Litterae antiquae

Antiquité, littérature & art

image_author_Cécilia_Tarasco
Par Cécilia Tarasco
1 oct. · 5 mn à lire
Partager cet article :

Lavinia, l'oubliée de l'Enéide

Réflexions à partir du roman d'Ursula K. Le Guin.

Dans la mythologie, Lavinia est la fille du roi Latinus et d’Amata. Fiancée à Turnus avant la venue d’Enée, elle est finalement donnée en mariage au Troyen. C’est ce qui entraîne la guerre qui oppose Latins et Troyens dans l’Enéide de Virgile. Puis c’est en l’honneur de Lavinia qu’Enée nomme la ville qu’il vient de fonder, Lavinium.

La première mention de Lavinia dans l’Enéide apparaît au chant VI. Anchise, depuis les Enfers, révèle à Enée l’avenir de la nation romaine. Le premier qu’il nomme est Silvius, son fils, que Lavinia élèvera dans les bois et qui deviendra roi d’Albe-la-Longue.

Un deuxième épisode la met en scène au chant VII. Lavinia est la fille unique du roi Latinus. Son frère est mort bien plus jeune. Elle est donc “héritière de sa maison, et des ses vastes domaines.” Elle est convoitée par les princes du Latium et en particulier par Turnus, parti soutenu par sa mère Amata. Mais des prodiges s’opposent à cette union.

Au milieu du palais, au sein même des pénates domestiques, était un laurier aux rameaux sacrés, et qu’un respect religieux conservait depuis longtemps. Le roi, dit-on, l’avait trouvé planté dans le lieu même où il avait jeté les fondements de sa ville, et l’avait consacré à Apollon. Les Laurentins en prirent leur nom. Un jour, ô prodige incroyable ! des abeilles, comme une nuée épaisse, vinrent, traversant les airs avec un immense bourdonnement, s’abattre sur la cime du laurier, s’entrelacèrent les unes aux autres par les pattes, et tout à coup, se ramassant en essaim, apparurent suspendues au feuillage de l’arbre sacré. Le devin consulté répondit : « Je vois un guerrier étranger arriver sur nos bords ; je vois un peuple nombreux venir des mêmes lieux que cet essaim, et dominer du haut de nos citadelles. » C’est peu : un jour que, brûlant sur les autels un chaste encens, la vierge Lavinia se tenait près de son père, on vit, ô terreur ! le feu sacré saisir ses longs cheveux, toute sa parure s’enflammer en pétillant, son bandeau royal, sa couronne de pierreries s’embraser : on la vit elle-même, enveloppée d’une pâle lumière et d’un tourbillon de fumée, répandre le feu dans tout le palais. Ce prodige semble effrayant aux devins ; tous en augurent une brillante destinée pour la fille des rois, mais pour les peuples l’embrasement d’une grande guerre. (traduction Nisard)

Au cours de ces différents épisodes, Lavinia est une figure d’arrière-plan. Elle ne prend pas la parole et ne mène aucune action. C’est pourtant à son sujet qu’Ursula K. Le Guin publie en 2008 son dernier roman.

Lavinia, dans le roman d’Ursula K. Le Guin, non seulement existe, agit mais surtout elle prend la parole en tant que narratrice. C’est à travers son témoignage que le lecteur assiste aux événements qui conduiront à la fondation de Rome.

...